Enterrer la procrastination une bonne fois pour toute
- Orianne Etancelin
- 7 sept. 2023
- 8 min de lecture

C'est la rentrée. Et pour beaucoup, c’est un peu comme un nouvel an, on prend de bonnes résolutions, on se sent boosté.e pour entamer de nouveaux projets et puis finalement, les semaines passent, le quotidien et le stress refont leur apparition et la motivation s’étiole. On procrastine, on se donne des excuses, puis finalement toutes ses bonnes résolutions qu’on avait prises à la rentrée sont reléguées à plus tard, entrainant frustration voire de la mésestime de soi.
Pourtant on avait tout imaginé, tout planifié mais rien à faire. Finalement, Netflix est devenu plus attractif que la séance de sport prévue ou ce livre qu’on souhaite écrire (mettez ce que vous voulez) et on se retrouve à procrastiner une fois de plus à notre plus grand désarroi.
C’est grave Docteur ?
Inutile de sortir le fouet, ça nous arrive à tous de procrastiner, c’est quand cela devient un mode de fonctionnement routinier qui vous fait passer à côté de ce qui est important pour vous et que ça vous donne une image négative de vous-même que ça devient problématique. Le moment où finalement procrastiner devient plus lourd à vivre que se lancer.
On y est tous plus ou moins confronté à certaines périodes de notre vie mais sachez que ce mal est vieux comme le monde. Les philosophes de l’antiquité lui avait même donné un nom « Akrasia » ; l’art de faire quelque chose alors qu’on a mieux à faire ou agir à l'encontre de son meilleur jugement (Aristote).
Qu’est-ce qui se passe dans mon cerveau ?
Pour commencer, c’est intéressant de comprendre comment ça fonctionne. Notre cerveau humain à tendance à privilégier la récompense immédiate plutôt que la récompense à long terme. Lorsqu’on se fixe un objectif, notre future self n’a aucun mal à imaginer les objectifs qu’il souhaite atteindre et à projeter un résultat. Ce résultat, c’est une récompense à long terme. Or, seul notre moi présent est en capacité de se mettre en action. Sauf que dans le présent, notre cerveau recherche des récompenses à court terme pour satisfaire son besoin en dopamine. Et souvent ces deux parties entre conflit.
Par exemple, le futur self souhaite perdre du poids et être en bonne santé mais le moi présent a une envie irrépressible de manger du popcorn devant un bon film. Finalement la motivation ne dure pas et on replonge dans nos anciens patterns. Ces tentations font appel au système limbique, la partie du cerveau qui gouverne nos réponses émotionnelles et où naît l’impulsion de vivre le moment présent.
Au-delà de ce fonctionnement primaire du cerveau, il ne faut pas négliger le rôle des émotions dans le processus qui nous fait tendre vers la procrastination. En règle générale, la procrastination devient une stratégie d’évitement, alimentée par des règles ou des croyances limitantes comme :
la recherche du plaisir (la vie est trop courte pour la passer à faire des choses ennuyeuses ou difficiles, mieux vaut s’amuser.)
la peur de l’échec ou de la désapprobation (si ce n’est pas parfait, j’échouerais et on me jugera.)
un manque de confiance en soi (je ne peux pas le faire, je n’ai pas les capacités.)
l’épuisement (je ne peux rien faire quand je ressens du stress, de la fatigue, de la déprime ou un manque de motivation.)
En définitive la procrastination est un trouble psychologique assez complexe. Dans son livre[1] dédié à la procrastination le professeur agrégé en psychologie Tim Pychyl affirme que la procrastination découle d’une incapacité à réguler adéquatement les émotions. « Nous repoussons une tâche parce qu’elle génère des émotions négatives. Pour nous sentir mieux dans le moment présent, nous faisons autre chose. Toutefois, cette stratégie d’adaptation n’est efficace qu’à court terme, non seulement, elle ne fait pas disparaître la tâche à exécuter mais en plus, elles génèrent des émotions négatives. »
L’impossibilité à passer à l’action est générée la plupart du temps par des comportements/émotions/croyances négatives qui finissent par en engendrer de nouvelles ; c’est le serpent qui se mord la queue.
Alors, comment inverse t’on la tendance ?
En première intention, c’est très intéressant d’identifier les émotions et les croyances qui sous-tendent le comportement procrastinateur ; c’est un des meilleurs moyens pour repérer vous déclencheurs. Comment par les connaître peut être un moyen efficace pour les enrayer et trouver des stratégie bien plus efficace que la procrastination.
Passez à l'action
Ensuite l’idée, c’est de se mettre en action : vous l’aurez compris c’est bien ça, le plus gros obstacle. Et je vous entends déjà me dire, mais Orianne, tu crois je n'ai pas déjà essayé ? Je suis d'accord, mais ici on vise une action intelligente et proportionnée. J'entends par là que si vous avez l'habitude de remettre les choses à plus tard et que d'un coup vous multiplier les objectifs et que vous voyez trop grand, vous risquez de replonger.
Comme votre moi présent a besoin de récompenses, l’idée est de parvenir à découper vos objectifs de manière réaliste et réalisable pour s’octroyer des petites récompenses avant de parvenir à votre objectif ultime (la récompense à long terme). Finalement, l’idée est de ramener vers le présent, les conséquences futures, car la motivation vient avec l’action, c’est la raison pour laquelle il faut faire en sorte de rendre la tache attractive et la plus simple possible pour se lancer, créer une nouvelle habitude/routine qui viendra accroître la motivation. Et surtout, n’attendez pas d’être prêt.e : vous ne le serez jamais, le seul mot d’ordre c’est l’action.
La loi de Newton
Pour les plus sceptiques ou scientifiques d’entre vous, je vous propose de s’inspirer de la loi du mouvement du physicien Newton :
« Tout corps persévère dans l'état de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite dans lequel il se trouve, à moins que quelque force n'agisse sur lui, et ne le contraigne à changer d'état » : Trouver la force de commencer, soyez en mouvement.
« Les changements qui arrivent dans le mouvement sont proportionnels à la force motrice ; et se font dans la ligne droite dans laquelle cette force a été imprimée. » : La productivité, ce n’est pas travailler dur : c’est concentrer son énergie dans la bonne direction.
« L'action est toujours égale à la réaction ; c'est-à-dire que les actions de deux corps l'un sur l'autre sont toujours égales et de sens contraires. » : éliminer les forces opposées (ici ce qui fait que vous procrastinez) et ajouté les forces positives (motivation, focus, énergie).
Avant de vous partager des propositions concrètes de mise en action, j’ai envie de vous conter l’histoire de l’écriture de Notre Dame de Paris de Victor Hugo ; un exemple un peu extrême de mise en action mais qui a payé. Victor Hugo avait signé un contrat avec son éditeur dans lequel il était prévu qu’il devait rendre un ouvrage dans un délai d’un an suivant le précédent publié. Cet écrivain était très mondain et adorait les distractions. Il procrastinait l’écriture de son prochain ouvrage, lorsque son éditeur lui posa un ultimatum ; il lui restait 6 mois, faute de quoi, le contrat serait rompu. Victor Hugo a donc demandé à son valet de se débarrasser de l’ensemble de ses vêtements à l’exception d’un grand châle qu’il revêtit. Dans l’impossibilité de sortir faute de tenue décente, Victor Hugo se mit à écrire compulsivement durant l’automne et l’hiver son nouveau chef d’œuvre. On pourrait appeler cela une technique ordalique.
Actions concrètes à explorer
Sans passer par une méthode aussi extrême, pas forcément compatible avec nos engagements quotidiens, voici quelques astuces à tester qui vous permettront un bon démarrage :
Commencer par lister vos objectifs et choisissez-en un ou deux principaux : soyez le plus honnête avec vous-même, choisissez ceux qui comptent le plus pour vous, ceux qui vous rendrons vraiment fier.e, heureux.se lorsque vous y serez parvenu.e. En faisant cela vous fixer vos priorités personnelles. Si vous vous engagez sur tout, vous n’accomplissez rien et vous serez distrait.e.s par l’ampleur de la tâche. Il faut oublier le mythe selon lequel être multitâche vous rend efficace. La maitrise requiert focus, concentration et constance.
Subdiviser cette liste en plusieurs petites étapes/objectifs (rappelez vous ; le plaisir à court terme). Par exemple : si vous souhaitez écrire un livre ; le sous-objectif pourrait être d'écrire chaque jour et parvenir à terminer un chapitre du livre à la fin du mois. Si vous souhaiter adopter une hygiène de vie plus saine pour être en meilleure santé et perdre du poids : introduire des fruits et des légumes à chaque repas, bouger quotidiennement. Cela vous permet de rendre l’objectif réaliste et réalisable.
Octroyer vous chaque jour un temps dédié très court et sans distraction. Par exemple: méditer 5 minutes par jour, faire 10 minutes d’étirement ou de marche pendant la pause, écrire 250 mots par jour. Vous construisez une routine qui deviendra vite une nouvelle habitude. Ce temps que vous vous octroyez c'est comme un contrat avec vous-même, un engagement : réaliser quelque chose qui vous fait vraiment plaisir et qui compte pour vous !
Ritualiser ce moment : nul besoin de faire les choses en grand ou d'y voir quelque chose d'ésotérique : ce peut être simplement enfiler vos baskets ou vous faire couler un café avant d’écrire. Lorsque vous réaliser ce rituel, vous indiquez à votre cerveau que vous entrer dans ce temps dédié à vos objectifs.
Supprimer les distractions, pendant ce temps dédié : éteignez votre téléphone, fermer la porte concentrez vous uniquement à cette tache et ne passez pas à autre chose jusqu'à ce que ce temps dédié soit terminé. Vous serez peut-être surpris.e de constater que ce temps passe très vite et que finalement vous avez envie de le prolonger ! Autre exemple ; si vous avez tendance à grignoter, cesser d’acheter ces petits gâteaux qui vous font craquer.
Vous pouvez aussi combiner une action que vous voulez ancrer sur le long terme avec un comportement qui produit des effets à court terme : par exemple, écouter vos podcasts préférés que lorsque vous faites votre séance de sport quotidienne.
Installez un tracker pour noter vos progrès : le cerveau aime visualiser ; c’est un bon rappel pour se mettre à l’action et ça rend tangible la réussite, une fois la case cochée sur le calendrier.
Continuez ces étapes en augmentant progressivement la durée, le nombre d’occurrences.
Pourquoi, ça fonctionne ?
Parce que les petits progrès apportent une récompense immédiate et vous permettent de tenir la motivation dans la durée. Plus vous réalisez rapidement une tâche, plus vous vous habituez à être productif.ve.s et efficaces : vous réussissez et ça active votre circuit de la récompense. Plus une routine devient vertueuse, plus vous serez consistent sur la durée.
Focalisez vous sur l’habitude, non sur le résultat.
Cela vous paraît encore difficile? Alors, je vous invite à méditer sur ceci:
A un certain moment, la peine de ne rien faire devient plus forte que celle d’essayer.
Avoir plusieurs options (multiplier les objectifs, décider de ne faire ou ne pas faire) n’est pas forcément une bonne stratégie à long terme : quand tout est possible ce n’est pas facile de faire des choix ; c’est le paradoxe. Plutôt que de se promener dans le labyrinthe, mieux vaut emprunter le tunnel et se concentrer sur une seule direction.
La motivation c’est le résultat de l’action et non la cause. Les sportifs vous le confirmeront
Les taches en dessous de vos capacités sont ennuyeuses et celles qui sont au-dessus sont décourageantes. Alors mouillez vous, sortez de votre zone confort mais trouvez des objectifs proportionnés.
Vous avez mis tout cela en place et malgré tout vous retournez à la procrastination?
N’hésitez pas à prendre rendez-vous pour vous faire accompagner : stopper vos freins en adoptant de nouvelles croyances et trouver les ressources qui vous sont propres pour passer à l'action.
Alors, qu'est-ce que vous réalisez quand vous cessez de procrastiner ?
[1] Solving the Procrastination Puzzle: A Concise Guide to Strategies for Change (2013)
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